LOURDES, un film en hommage à la force du soutien humain
Faut-il aller voir ce film est peut-être la première question à se poser?
Lourdes, une tradition ringarde et désuète ?
Comme beaucoup de gens, je voudrais croire aux miracles, mais je me méfie grandement de leur médiatisation. Les miracles devraient rester de l’ordre du mystère, et on ne devrait pas faire une marchandise qu’on vend ensuite à la foule.
Alors comme beaucoup de gens, j’avais du pèlerinage de Lourdes une image mitigée, teintée de gnangnan. J’y voyais un rassemblement ringard de gens crédules, à qui des marchands du temple refourguaient des produits dérivés kitsch et fabriqués en Chine. Et je n’avais sans doute que pitié dubitative pour ces malheureux, qui venaient promener leur douleur, se plaindre, et réclamer un miracle. Je me souvenais pourtant de ce qu’un de mes amis, qui avait été bénévole à Lourdes, avait essayé de m’expliquer : les gens venaient offrir leur souffrance à Dieu, et non pas réclamer un miracle. Je n’étais pas sûre de comprendre ce qu’il voulait dire, mais j’aimais cette manière de restituer une forme de dignité aux malades. En tout cas suffisamment pour que le film LOURDES suscite ma curiosité quand il est sorti.
Je me disais que de toutes manières, c’était intéressant pour moi : il m’est arrivé de travailler en Méthode Feldenkrais avec des personnes gravement handicapées et j’imaginais que le film pourrait nourrir ma réflexion sur la manière de les accompagner. C’est en tout cas une des raisons que je me donnais pour aller voir le film LOURDES quelques jours après sa sortie. Peut-être peut-on appeler cela une forme de curiosité morbide pour la souffrance des autres ? Une occasion de pleurer facilement ?
De fait, j’ai beaucoup pleuré pendant toute la projection du film, mais je n’ai pas eu la place pour la moindre pitié. Plutôt une occasion de comprendre ce qu’est l’empathie pour des personnages magnifiques, avec qui j’avais envie de cheminer main dans la main.
La question du miracle
Les réalisateurs du filmThierry Demaizière, Alban Teurlai revendiquent qu’ils sont athées et que ce n’est pas le mystère de la foi qui les a intéressés dans ce film. De fait la question du miracle est assez vite évacuée au début de manière factuelle. Un bandeau indique le nombre de guérisons inexpliquées, et de miracles reconnus par l’église depuis quelques dizaines d’années. J’ai oublié rapidement ce chiffre, qui n’a pas grande importance.
Car c’est d’autre choses dont il est question dans le film.
Ce documentaire a été pour moi l’occasion de suivre quelques personnes qui
viennent accomplir le pèlerinage, et de ressentir comment elles sont
accueillies, accompagnées et soutenues par les équipes de prêtres, mais surtout
tous les bénévoles, et les différents accompagnants du pèlerinage. Pour ce qui
est de la ferveur et de la foi, elle est surtout montrée à l’occasion du
pèlerinage des Gitans, qui vient à un moment croiser celui des militaires
blessés en interventions.
Alors bien sûr, les héros de ce film sont sacrément cabossés.
Un petit enfant dont le pronostic vital est engagé, un autre en soins palliatifs et ses parents, un homme enfermé dans un corps paralysé par la maladie de Charcot, une jeune adolescente rejetée par ses camarades pour une maladie de peau, un jeune adolescent handicapé, qui se révèle avoir 40 ans, mais le cerveau endommagé par un accident de voiture, et sa maman qui s’en occupe depuis, et pour toujours, comme d’un bébé. Entre autres… Et aussi ceux qui se prostituent, ou un homme profondément dépressif.
A chaque fois des vies compliquées, où la normalité est impossible. Ou plutôt c’est une norme différente qui a dû être mise en place, parfois depuis de nombreuses années.
Mais pas de pitié : les héros de ce film sont admirables, de courage, et aussi de clairvoyance sur leur sort.
Et ce qu’ils trouvent là, lors de ce pèlerinage de Lourdes, est bien expliqué par une des responsables des bénévoles. Les gens doivent être bien accueillis, choyés, il faut faire tout ce qu’il est possible pour leur confort, lors de la toilette, des repas, autant que lors des moments de prière. Il s’agit de leur donner le sentiment de leur valeur.
Le soutien à tous les sens du terme
Le film suit à peu près le déroulement chronologique d’un pèlerinage. Et cela commence par un soutien très concret : il faut porter certains des malades qui arrivent par un train spécial. Impressionnant de voir tous les systèmes de palans et autres dispositifs mis en place sur le quai de la gare ferroviaire, pour sortir du train des gens sur des brancards ou en chaises roulantes. Quelle que soit la difficulté concrète que cela représente, tout le monde est bienvenu.
Et puis on arrive à la sollicitude qui semble être une des valeurs principales chez les différents accompagnants. Certains ne peuvent pas manger tout seuls, d’autres ont besoin d’aide pour leur toilette ou pour se coucher. D’autres ont tout simplement besoin d’être écoutés, pour se décharger de la peine qu’ils portent tout au long de l’année. Et le film montre comment on fait pour qu’ils trouvent tout cela à Lourdes, dans le respect de leur dignité.
Et ce soutient offert sans réserve, accompagne les personnes en souffrance sur le chemin de l’acceptation. Ils sont acceptés et accueillis tels qu’ils sont, et cela les grandit à nos yeux de spectateurs, et peut-être les aide à accepter leur destin. Et j’ai tendance à croire que cette acceptation peut contribuer à ranimer leur espérance, ce qui me semble beaucoup plus vaste que de demander la guérison.
Rassemblés dans l’énergie d’une communauté
La visite à la grotte, les messes sont des célébrations incontournables, mais les réalisateurs nous en font ressentir toute l’énergie et la beauté. J’ai vu tous ces gens rassemblés qui priaient, j’ai vu les mains qui touchaient la grotte avec ferveur, comme autant d’offrandes.
J’ai vu le petit garçon malade se reposer sur les genoux d’un paraplégique en fauteuil roulant.
J’ai vu des gens en chemin, que ce soit sur leurs pieds ou en fauteuils, voire en brancards. Et c’est très impressionnant. J’ai vu des pèlerins et leur famille qui s’aimaient et se soutenaient. J’ai vu tous ces gens tous ensemble, rassemblés, accueillis, et recueillis dans la prière. Et j’ai ressenti très fort l’énergie qui émanait de cette communauté.
Je ne sais pas dire si c’est la magie du film ou si c’est le miracle de Lourdes. En tout cas j’ai été très émue, et je ressentais aussi beaucoup de gratitude pour l’Eglise Catholique, qu’un lieu comme cela existe, dans notre monde contemporain où l’on demande aux personnes toujours plus de performances, toujours plus de contrôle sur l’apparence. Comme c’est précieux que puissent être accueillis à Lourdes tous ceux qui ne peuvent plus participer à la course néolibérale. Et je m’étonne que l’Eglise n’ait pas plus communiqué autour de ce film qui contribue tellement à mes yeux à redorer son image…
Alors merci à ce film Lourdes, merci à Lourdes l’institution, merci à Sainte Bernadette, je ne sais pas trop. Merci aussi et surtout à tous les personnages de ce film. Parce que j’ai beaucoup pleuré, et surtout parce que je suis ressortie du film toute pleine d’énergie, et émerveillée par ce que l’âme humaine peut avoir de beau à partager, dans quelque chose qui transcende la souffrance.
C’est peut-être cela le miracle de Lourdes?