Anecdotes et coup de gueule,  Micro-fictions,  Témoignages

Du geste barrière à la protection solidaire, Le défi du partage de l’espace en temps de pandémie.

Apprendre à être ensemble, face au risque de coronavirus.

Pendant le confinement, j’ai profité largement des outils de communication numérique, du Sms à l’application Zoom… tout en me désolant de ne pas voir les gens « en vrai ». J’ai aussi profité d’une merveilleuse solidarité avec certains voisins avec qui nous nous partagions les corvées de course, et nous nous laissions des petits messages et parts de gâteaux sur les paillassons, et j’ai alors rêvé que le monde allait être meilleur, plus solidaire, plus soucieux d’environnement.

J’ai rêvé aussi bien sûr de grands espaces, et de retrouver mon droit à la mobilité.

Et puis après le confinement, je suis sortie, comme beaucoup de gens, et j’ai été fort désappointée. Non pas que la bise fut venue, puisque justement, elles sont formellement déconseillées.

En fait, je m’aperçois à quel point je ne sens pas du tout à l’aise dans l’espace public aujourd’hui. Je n’ai pas vraiment envie de sortir, je répugne à prendre les transports en commun, j’hésite à aller au cinéma, à des expositions, dans les musées, alors que j’en avais tellement rêvé.

Et je me sens emprisonnée et étriquée.
Je retiens ma respiration.


Et j’ai fini par comprendre pourquoi… 

Alors que l’espace public devrait être le lieu des possibles, l’occasion de nouvelles rencontres, de découvertes, il m’apparaît maintenant prioritairement comme un espace où l’on prend des risques.

En tant que femme, il m’est arrivé de me sentir en danger tard le soir, quand la rue est quasiment déserte. Aujourd’hui, même en plein jour, et encore plus quand il y a du monde, « l’autre » apparaît d’abord comme une menace potentielle, surtout pour peu qu’il ne porte pas de masque.

Oui, je le reconnais, quand je suis dans un bus ou dans une rame de métro et à côté de quelqu’un qui ne porte pas de masques, cela me met en rage. Bouffée de colère !  Certains ont oublié, et si on leur parle, ils s’excusent platement, et remontent leur masque.

Mais ce n’est pas le cas d’autres, qui s’en fichent ouvertement.

Quelques anecdotes dans le métro :

Cette jeune femme qui s’est assise sans scrupules sur un siège interdit, à côté d’une dame très âgée qui lui demandait de s’éloigner et de respecter les consignes.  Elle n’hésite même pas à lui répondre : « vous n’avez qu’à vous éloigner vous-même »

Ce mendiant dépenaillé en détresse psychique, qui parcourt la rame en toussant exprès en direction des gens, parce que dans l’état où il est, il n’a plus peur de rien. 

Ce mec «cool » qui a son masque, mais qui l’enlève pour répondre au téléphone sans réfléchir au fait que c’est justement en parlant qu’il va d’autant plus postillonner.

Ou cet autre, qui repousse son masque pour se rouler une clope.

Ce vieux monsieur qui utilise la même main, qui s’est appuyée sur la rambarde que mille autres mains ont touchée, pour toucher son masque puis venir se gratter le visage, … puis se curer le nez ensuite. Sans avoir appliqué de gel hydro alcoolique bien sûr !

Ces jeunes qui n’ont pas peur, et qui se contentent de garder un masque sur le cou, en cas de contrôle inopiné. Ils sont d’autant plus arrogants qu’ils savent qu’ils auront au pire une version asymptomatique du virus. Ont-ils réfléchi au fait qu’ils auront peut-être contaminé leur grand-mère au passage ? A moins que justement, ils ne guettent l’héritage ?!… Après tout, il y a aussi des méchantes grand-mères ! 

Et je suis certaine que chacun pourrait y aller de sa petite anecdote pour peu qu’il fasse attention. Mais il y a plein de gens qui ne font pas attention, et je comprends oh combien leur envie d’oublier.

Je me suis surprise moi-même quelques fois à sortir de chez moi sans masque ou sans mon petit flacon de gel. Mais je reviens les chercher dès que je m’en rends compte !

Oui, j’aimerais que tout soit comme avant, et même en mieux.

J’aimerais me sentir libre.

Et j’ai envie de croire que si les gens ne respectent pas les gestes barrière, c’est surtout parce qu’ils ne se rendent pas compte, et que la règle du jeu n’est pas claire.

Alors disons-le encore une fois,

On porte un masque, ce n’est pas parce qu’on a peur.
Ou pas seulement.
Ce n’est pas seulement pour se protéger soi
Ou en tout cas pas seulement.

C’est par souci de la santé des autres, avec qui nous partageons l’espace public.

Oui, les discours officiels ont beaucoup utilisé la peur.

Et mon rêve serait qu’on revienne à la solidarité
Pas seulement avec sa grand-mère, pour qui on a de l’affection.

Mais aussi avec les gens qu’on ne connaît pas, et qu’on croise dans l’espace public.

Et oui, je me rends compte que cela fait des semaines que je n’arrive pas à écrire cet article ?

Car ce que je vois va à l’encontre de ce que je nous souhaite

Je n’aime pas cette partie de moi qui se méfie, prend des précautions, et se tient à distance. Je n’ai pas envie d’être en guerre. D’être en guerre contre des gens comme vous et moi.

Alors j’aimerais qu’on invente un autre discours sur le masque, sur les protections.

J’aimerais qu’on arrête de parler de gestes barrières.
Qui conduisent à l’isolement.
J’aimerais qu’on puisse se comporter de manière solidaire.
J’aimerais qu’on soit unis.

Oui, je sais, c’est illusoire, vous êtes plein à me dire que la nature de l’homme est d’être mauvais.

Mais pas seulement.

Alors oui, je le dis…

J’espère que nous pourrons un jour être heureux de nous sentir solidaires. 
Ensemble. Pour le plaisir de nous rencontrer, même par-delà les masques !

Et même que ces masques puissent devenir une occasion d’entraîner notre attention, et de développer notre conscience de notre humanité.

Je sais, je rêve.
Mais c’est aussi cela le propre de l’être humain. Rêver!

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