Remettre un petit bout de doigt dans l’écriture ? …
Débuts d’épidémie, puis confinement, fin du confinement, sans pour autant être réellement sortis de la pandémie qui s’accélère dans plein d’endroits du globe.
Pourquoi n’ai-je pas écrit ?
Pourquoi est-ce si difficile d’y revenir, alors que tout bouillonne en moi ?
Et je commence par revenir à mon blog et m’apercevoir que je n’ai pas publié d’articles depuis bien plus longtemps. Oui, c’est vrai, il y a eu les grèves de transport, puis les débuts de l’épidémie mystérieuse en Chine. Alors disons qu’à la place d’écrire, j’ai marché, beaucoup marché dans les rues de Paris, pour continuer d’aller à mes rendez-vous et donner mes cours. Et puis ensuite, j’ai passé beaucoup de temps à lire, les articles sur la réforme des retraites, sur les manifs, et leur répression, puis les premiers articles sur la propagation du virus en Chine, et j’étais fascinée, et je me demandais pourquoi on n’en tenait pas compte, persuadée que cela allait exploser, et en même temps n’arrivant pas à y croire ?
Et oui, depuis des mois, comme beaucoup de gens, je suis submergée d’informations, toutes plus cruciales et essentielles les unes que les autres.
D’avis péremptoires sur plein de sujets devenus obsolètes et contredits dès le lendemain.
De témoignages optimistes ou pessimistes, de partages tous azimuts.
Des informations qui redessinent le monde dans lequel nous évoluons, et redéfinissent de nouveaux enjeux de survie. Que ce soit sur la pandémie elle-même, où nous avons tous été à l’affût de ce qui allait nous permettre d’y survivre et pour cela d’en comprendre un tant soit peu les mécanismes, mais aussi sur le changement climatique et les perspectives d’effondrement, devant lesquelles le Covid-19 n’est peut-être qu’un petit signe avant-coureur. Et puis les perspectives d’effondrement des démocraties, inquiétantes aussi, quelle que soit la région du monde vers laquelle je me tourne.
Je sais bien que je devrais m’extraire de tout cela, mais c’est plus fort que moi. Je clique et j’ouvre. Et je sais bien que je ne suis pas la seule dans ce cas.
Oui, cela fait des mois que je n’écris pas, parce que je suis embarquée dans une grande tourmente, où je n’arrive plus à faire le tri dans mes émotions.
Comment entendre le son de ma petite voix au milieu du vacarme de cette tempête?
Et au plus fort de la pandémie en France, j’ai été très occupée surtout à rassembler mon énergie dans l’urgence de vivre, et à tâcher d’être là pour ceux à qui je pouvais apporter quelque chose, pour ceux que je pouvais soutenir avec mes outils. Soutenir les autres, pas tant par altruisme que parce que je constatais que c’était à ce moment-là ce qui me faisait le plus de bien.
J’ai passé beaucoup de temps au chevet d’une très vieille dame pour qui j’ai beaucoup d’affection. Et puis j’ai passé beaucoup de temps à donner des séances en ligne, de Méthode Feldenkrais et aussi de méditation-centrage. Et cela a été l’occasion de partages émouvants et magnifiques, de rencontres à des niveaux plus essentiels et profonds, qui pourraient absolument fournir matière à ce blog, où j’aime à dire et célébrer l’humanité qui me touche. J’ai aussi rencontré des voisins, des gens du quartier, des sourires par-dessus des masques.
Mais tout cela était vécu au jour le jour, dans l’urgence, et dans une forme d’intimité qui ne permettait pas le recul pour écrire, pas encore, pas si vite.
Je ne pouvais pas écrire en même temps que nous nous tenions la main.
Peut-être aussi n’osais-je pas formuler ce que j’espérais : que quelque chose que nous aurions vécu contribuerait à bousculer nos modes de fonctionnement et à les renouveler pour du meilleur.
J’ai fermé les yeux et j’ai croisé les doigts.
Je me suis souvenue parfois d’un de mes professeurs qui
avait connu la seconde guerre mondiale. Et qui racontait comment cela avait
créé des liens tellement intenses entre les gens, comme jamais. Et que ces mêmes
gens juraient qu’ils seraient amis pour toujours « quand ce serait passé ».
Et que ces mêmes gens ne s’étaient plus jamais parlé, une fois la guerre
terminée. Retombés dans une forme d’indifférence oublieuse.
Je m’en suis souvenue, et j’ai préféré l’oublier, moi aussi.
Et j’ai continué de croiser les doigts et de vouloir y croire.
Un monde meilleur, plein de gens solidaires, qui ont compris la leçon, qui ont compris et appris pour le futur !
Et il serait peut-être temps que je me détende.
Que je reprenne mon souffle.
Que j’ouvre mes yeux.
Même si je ne trouve guère d’images qui me plairaient.
Les masques qui trainent par terre, les ordures qui jonchent les trottoirs parisiens.
Les masques encore… ceux que les gens n’ont pas mis dans le métro ou le bus.
Je me souviens la première fois où j’ai de nouveau été à plus d’un kilomètre de chez moi.
Deux rendez-vous et une marche entre les deux, entre Bastille et République.
Les gens agglutinés sur les trottoirs devant les bars qui servaient de la bière.
Sans masque.
Les gens avec masque,
parce que c’était obligatoire pour faire la queue devant chez Mac Do !
Les gens qui ne faisaient attention à personne.
Et ma colère qui est montée, ma colère et surtout ma déception devant ce constat affligeant :
Il y a toujours autant de cons qu’avant !
Et pourtant je le savais !
Bien sûr, si on prend le temps d’y réfléchir 5 minutes,
avec ma tête,
c’était évident.
Je suis trop con (conne) !
Et…
je décide de me pardonner !
De m’amuser de ma propension à idéaliser.
Avec mes tripes, avec mon cœur.
Phénomène qui parait tout à fait cohérent quand on est privé de quelque chose.
Fantasme pour continuer de vivre.
Donner envie,
Motiver.
Alors oui, ma prochaine étape pourrait être d’apprendre à être dans le monde,
Dans ce monde désenchanté, peut-être en voie de disparition,
Tout en continuant de voir ce qui est beau, ce qui me touche.
En continuant d’être optimiste.
Sur la nature humaine.
Non pas grâce à ce que je vois,
Mais bien par ce que je veux continuer à croire.
Qui me permettra de choisir ce que je vois, ce dont je rends compte.
C’est pour cela que je veux décroiser les doigts et continuer à écrire.
Si ce blog a une quelconque utilité, c’est pour nous aider à mieux voir ce qui nous rassemble dans notre humanité.
Est-ce possible ?
Est-ce une pratique ou une discipline ?